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"Il tituba vers l'aîné de ses pigeons en s'efforçant de ne pas déranger les autres. Il ne s'aperçut pas de son silence soudain, ne de leur parfaite immobilité.
- Alors, Claude, qu'as-tu à déclarer, hein? Il prit délicatement l'oiseau, l'approcha de son visage, lui caressa le poitrail avec de petits claquements de langue. - Tu sais qui est le patron, hein? Tu sais bien qui veille sur toi. Subitement, la tête de l'oiseau plongea ; il creva d'un seul coup de bec l’œil larmoyant de son maître qui hurla de douleur et tomba à la renverse au milieu des perchoirs. Et la cabane entra en éruption, tourbillon d'ailes et de cris. Herbert tenta bien de se protéger le visage de ses bras levés ; les bec s'acharnèrent sur ses mains, où apparurent des filets de sang. Il chassa les pigeons si furieusement qu'ils allèrent se jeter contre les parois avant de tomber sur le sol, incapables de se relever, agitant faiblement leurs ailes brisées dans un ultime effort pour s'élancer vers lui. Mais les autres poursuivaient leur assaut avec de grands battements d'ailes : ils criblaient de coups de bec son corps recroquevillé, trouvaient la chair nue, la piquaient jusqu'au sang. Fou de rage et d'angoisse, Herbert en saisit un, et lui broya les os en l'écrasant entre ses mains. Son visage alors était découvert ; trois oiseaux se précipitèrent, l'un sur son cou, les autres sur ses joues et ses yeux. Il voulu aussitôt se garantir, hélas trop tard : son second œil venait d'éclater. Le choc jeta sur ses pieds le malheureux qui se débattait pour atteindre la porte. Il marchait sur des corps, il n'y voyait plus rien ; et dans le tumulte, la confusion des ailes qui battaient en tous sens, les cris perçants des animaux, hurlant sa peur et sa souffrance, incapable de s'orienter, il fonça tête la première dans le mur de la cabane et s'écroula sur le sol, à moitié assommé." |
"Irma Bidmead se levait toujours tôt. A soixante-treize ans, comment perdre son temps à dormir? Et puis ses chats auraient faim.
Elle avait treize chats, tous des chats perdus qu'elle avait adoptés. Ou peut-être étaient-ce eux qui l'avaient adoptée. Souvent, la nuit, elle traînait dans les bas-quartiers de Kennington avec un cabas rempli de restes et de divers morceaux destinés aux chats errants. Les animaux reconnaissaient sa silhouette maigre et le sifflement qu'elle lançait pour les appeler. Ils la suivaient dans les ruelles obscures, jusqu'au moment où elle décidait que leur groupe était suffisant et s'arrêtait pour les nourrir. Elle leur parlait, les grondait pour leur gloutonnerie, tout en s'amusant de leurs acrobaties. C'était à qui serait rassasié le premier. Tous les deux ou trois mois, une camionnette l'attendait à un endroit convenu. Une douzaine de chats y était entassés et conduits jusqu'à un hôpital du sud de Londres. Le conducteur, avec qui elle avait conclu cet arrangement, prenait la part du lion sur le prix que payait l'hôpital pour les animaux, mais l'opération rapportait tout de même à la vieille une coquette somme. La vivisection était un marché lucratif malgré les clameurs de la SPA et les appuis massifs dont elle bénéficiait ; comme les autorités la savaient nécessaire, elle fermait les yeux. L'argent de la vente, Irma l'utilisait à nourrir ses propres chats. Parce qu'elle adorait ses chats. La puanteur qui régnait dans la pièce quand elle ouvrit la porte ce matin-là ne la gênait nullement ; elle avait vécu toute sa vie en compagnie de ses créatures, et leur odeur faisait partie d'elle-même. Les effluves des treize chats enfermés toute la nuit dans ce local n'affectaient ses narines en aucune façon. - Bonjour mes mignons! claironna-t-elle. Comme chaque matin, ils aillaient se précipiter pour se frotter contre la vieille robe de chambre dans laquelle elle dormait. Mais non. Ce matin, ils ne bronchaient pas, immobiles, silencieux." |
Mon avis :
Un brouillard qui rend fou, meurtrier et suicidaire, pas mal hein? Herbert t'emmène dans l'Angleterre des années 70. Angleterre... années 71, déjà là tu flippes : on pose le lieu et l'époque et BIM!!! Un abbé pas très catholique, un colombophile becté par ses pigeons, des ados en plein cours de sport trucidant leur prof. Le gros plus de ce livre c'est la façon d'exposer l'aventure que vivent les différents personnages. Bien écrite, suspense maintenu, protagoniste pas forcément très attachant mais ce n'est pas le plus importe, ce qui compte dans ce genre d'histoire c'est l'ambiance glauque et sanglante et ce brouillard mis au centre de l'intrigue. Intervention humaine ou diabolique? Lis le, moi je lui donne 17/20, et viens me donner ton avis. |